L'éolien en mer, nocif pour les pêcheurs et la biodiversité ?

Publié le 2 février 2022 à 18h32, mis à jour le 3 février 2022 à 15h46

Source : JT 20h WE

Le candidat communiste à la présidentielle, Fabien Roussel, s'oppose au développement de l'éolien en mer.
Il met en avant l'impact sur le développement de l'activité des pêcheurs, ainsi que le dérèglement des écosystèmes.
Les travaux scientifiques se montrent bien plus nuancés, révélant même des effets potentiellement positifs.

Le candidat communiste à la présidentielle, Fabien Roussel, ne s'en cache pas : il est favorable à la poursuite du nucléaire en France. Contrairement à d'autres figures de la gauche qui plaident pour un développement massif des énergies renouvelables, il affiche sur le sujet une position singulière. De fait, il prend ses distances avec Jean-Luc Mélenchon, en particulier en ce qui concerne l'éolien offshore, auquel le représentant de la France insoumise tient particulièrement.

"Je préfère mille fois investir dans deux réacteurs à Penly (Seine-Maritime) et arrêter d'investir dans des éoliennes offshore sur la mer, qui empêchent les marins-pêcheurs de développer leur activité et qui vont même bousculer la biodiversité marine", a lancé Fabien Roussel sur le plateau de Public Sénat, ce mercredi 2 février. Une affirmation à relativiser très largement, au regard notamment des études scientifiques sur la question.

Plusieurs sujets sont soulevés par le candidat communiste dans son intervention. Celui d'une perturbation de la pêche, tout d'abord, que ce soit par une diminution des lieux où attraper des poissons, mais aussi celui des conséquences de l'installation des mâts sur les espèces marines et d'oiseaux. Que ce soit lors de la construction des éoliennes ou lors de leur exploitation, à cause des champs électromagnétiques, ou bien en raison des bruits et autres collisions possibles avec les volatiles. Ces derniers mois, des manifestations se sont d'ailleurs multipliées à l'initiative de pêcheurs pour s'opposer aux projets d'éolien offshore en gestation sur le littoral.

Les pêcheurs ont-ils à y perdre ? Si l'on en croit une étude réalisée pour le compte de la commission pêche du Parlement européen, l'extension spatiale des activités de production d'énergie en mer "s’accompagne d’un risque croissant de conflits avec les autres secteurs d’activité marins, tels que les pêcheries". Il est ici surtout mis en avant "une forte augmentation du risque de conflits spatiaux en mer du Nord, en mer Baltique et en Méditerranée à moyen terme (jusqu’en 2025)". Les autres espaces maritimes apparaissant quant à eux moins exposés, à court terme au moins. Rien d'insurmontable, pourtant, si l'on se fie au texte, qui préconise "la mise en œuvre de mesures d’atténuation qui visent à réduire le risque de conflits entre les pêcheries et le développement des énergies renouvelables en mer".

L'effet de "récif" et l'effet de "réserve"

Sur le plan environnemental, il convient de faire preuve d'encore plus de prudence. En effet, les scientifiques soulèvent plusieurs points importants : le fait qu'il soit nécessaire d'observer sur le long terme les conséquences d'une implantation, mais aussi qu'il est délicat d'isoler l'impact seul des éoliennes sur les écosystèmes. Ces dernières viennent en effet s'ajouter au large éventail d'activités humaines en mer et ne sauraient être la seule variable à prendre en considération. Enfin, il s'agit de se projeter dans le futur en gardant à l'esprit que les écosystèmes seront amenés à évoluer avec ou sans éolien offshore, sous l'effet du changement climatique. 

Que retient-on des travaux menés ? Que deux effets majeurs se manifestent, pouvant aboutir au fil du temps à un impact positif sur l'environnement. Le premier, dit "récif", va voir des espèces utiliser les éoliennes comme support, s'y développer et attirer par la suite des prédateurs. Cela conduit, lorsque le milieu marin de départ est plus pauvre, à un enrichissement de la biodiversité, mis en avant notamment par des chercheurs français dans de récents travaux publiés en 2019

Du côté des pêcheurs, c'est plutôt un autre effet, de "réserve" cette fois, qui est redouté. Un regroupement des poissons dans les zones des éoliennes diminuerait ainsi les quantités pouvant être attrapées dans les filets. Outre le fait qu'il soit possible de mettre au point des parcs éoliens où l'espacement des mâts rend possible la pêche, la plateforme Océan & Climat assure que les modèles des chercheurs "ont été poussés à l’extrême pour étudier quelle serait la sensibilité de l’écosystème dans une situation d’un parc où la pêche aurait été fermée". On constate alors, via des résultats préliminaires "que ce choix de gestion pourrait permettre de compenser la perte de surface pêchée par un phénomène de débordement qui rendrait les zones adjacentes plus riches et plus productives". 

Ailleurs en Europe, là où des projets d'éolien offshore ont été menés, les analyses qui les ont accompagnées ont généralement mis en avant un impact positif sur la biodiversité à moyen/long terme. Chez nos voisins belges, on voit en parallèle que "pour la plupart des espèces, les taux de capture pour les pêcheurs restent comparables aux situations qui précèdent l'installation des parcs éoliens", détaillait à TF1, l'an passé, Kelle Moreau, de l'institut royal des sciences naturelles. De quoi réduire les craintes des pêcheurs et de Fabien Roussel. Les équilibres demeurent toutefois fragiles, avec des bénéfices surtout marqués pour les espèces marines. Des contournements d'oiseaux ont ainsi été observés à l'étranger, incitant à éviter les réserves ornithologiques pour les implantations futures. 

L'État et RTE (le gestionnaire du réseau électrique), dans le cadre d'un débat public en Nouvelle Aquitaine, ont réalisé une fiche de synthèse très complète qui permet de faire le point sur les impacts génériques potentiels sur l'environnement de l'installation d'éoliennes en mer. Ces éléments, récents, distinguent les différentes phases des projets puisque les étapes de construction peuvent s'avérer plus nocives pour certains compartiments biologiques que la période d'exploitation. Des études d'impact préalables à toute autorisation de construction sont en tout cas à prévoir et systématiser, les spécialistes en biologie marine rappelant que chaque territoire présente des particularités, aussi bien sur terre que sur mer. Température de l'eau, vents, ou bien encore courants exercent une influence sur les écosystèmes et in fine sur les espèces présentes et le rôle fonctionnel de la zone concernée. 

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Thomas DESZPOT

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